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Le blog du droit des biens

Blog public d'informations juridiques (étudiants, praticiens et justiciables)

Rappel du préjudice moral de l'enfant à naître (Droit des personnes et de la responsabilité)

Publié le 18 Avril 2018 par Sébastien NUEL

La Cour de cassation dans un arrêt : Civ. 2ème, 14 déc. 2017, n° 16-26-687, rappelle simplement "qu'un lien causal existe entre le décès d'un père et le préjudice moral de l’enfant simplement conçu au moment du décès" (entendu comme fait dommageable).

La maxime infans conceptus, permettant de réputer né l'enfant conçu toutes les fois qu'il y va de son intérêt, justifie l'affirmation de la Haute cour autorisant un enfant de demander réparation du préjudice résultant du décès accidentel de son père survenu avant sa naissance. 

Bien entendu, pour se livrer à une telle interprétation, il est absolument nécéssaire que cet enfant naisse vivant et viable. 

En cela, on se rapproche de l'interprétation constante de la Cour de cassation justifiant l'acquisition d'un droit pour l'enfant à naître (patrimonial la plupart du temps) toutes les fois qu' il est dans son intérêt d'en bénéficier Ex. droit à une pension, droit de prendre part à une succession, de recevoir des libéralités, droit en exécution d'un contrat d'assurance-vie.

Cependant la reconnaissance d'un droit de réparation au bénéfice de l'enfant, caractérisé par l’existence d’un préjudice moral ayant pour lien de causalité le décès accidentel de son père n'allait pas de soi. 

Si les règles de la responsabilité civile permettent bien d'indemniser un préjudice par ricochet, notamment d’affection, c’est à la condition que ce dernier résulte certainement et directement du fait générateur du dommage principal (dommage du père en l'espèce). Or les juges ont ici admis de réparer un préjudice moral dont l’existence ne coïncide pas avec la date de décès du père.

Pour explication de cette incohérence temporelle, on peut s'appuyer sur l'analyse des juges d'appel retenant qu'il existe un lien direct et certain entre le fait générateur, survenu avant la naissance de l'enfant, et le préjudice de ce dernier. 

Il suffisait donc que le dommage de l'espèce ait été directement et certainement causé par le fait générateur, ce qui était le cas en l’espèce de l'arrêt.

Par cette décision, une porte est ouverte vers une approche subjective du préjudice consistant admettre que l'indemnisation d'un dommage est fonction de la conception de la victime (voir Crim. 5 oct. 2010, n° 09-87.385 et n° 10-81.743 ; Civ. 2e, 22 nov. 2012, n° 11-21.031).

Rappelons pour conclure que cet approche est osée car à l'accoutumée, seul la constatation par le juge du préjudice permet son évaluation et son indemnisation. 

Haro sur le préjudice moral de l'enfant à naître...

S.N.

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